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Immigration....

Publié le par souliko

Ils n'étaient pas mes grands-parents, ils étaient ceux qui m'ont accueillie quand je suis née et qui le sont devenus. Ils avaient fui leur pays pour échapper aux massacres des "rouges" et avaient abouti en France après une longue errance. Toute jeune mariée, ma grand-mère avait perdu en Turquie l'enfant qu'elle attendait et ne put jamais en avoir d'autre. C'était pendant la révolution d'octobre et la dictature qui allait suivre ne leur permettrait jamais de rentrer chez eux.

Ils étaient nombreux, dispersés dans une France à laquelle ils étaient reconnaissants de les avoirs acceptés. Chez eux ils étaient princes, comtes, officiers du tsar, ici ils étaient chauffeurs de taxi, couturières, portiers et autres humbles emplois.

Ma mère est arrivée beaucoup d'années plus tard, issue du même pays, mais pour d'autres raisons. Je suis fille d'immigrée et mes premiers mots ne furent pas en français.

J'ai grandi au milieu des gens "loin de chez eux" et j'ai toujours dans mon souvenir l'émotion de leur retrouvailles, souvent pour des fêtes, à l'église orthodoxe, chez l'un ou chez l'autre.
J'étais très jeune mais je sais aujourd'hui que ce que je lisais dans leurs yeux était une nostalgie poignante. Ils avaient fui la terreur et les massacres, ils étaient à l'abri mais ils savaient que leurs racines étaient dans un ailleurs qu'ils ne retrouveraient jamais et même dans leur joie il y avait toujours comme une fêlure.

Encore aujourd'hui je ne peux entendre certains chants sans penser à eux et sans avoir les larmes aux yeux.
Tous avaient risqué leur vie à un moment où à un autre pour trouver ou retrouver la sécurité et la liberté.

Seule une nécessité vitale peut pousser des hommes et des femmes à l'exil au péril de leur vie. Je crois très profondément que tant que l'être humain ne sera pas le centre des préoccupations des dirigeants de la planète, tant que seul compteront le profit et le pouvoir, la misère, la peur, les guerres jetteront sur les routes ou sur les mers des femmes, des enfants et des hommes affamés qui n'ont plus rien à perdre.

Peut-être faut-il aussi ajouter que la grande misère est propice à tous les faux prophètes qui prêchent le retour à un ordre ancien à coup de bombes et d'attentats ?

C'est juste un bout de rélexion, sans plus.....



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P
Votre billet est très beau. Il nous contraint à réfléchir et à se poser les bonnes questions. Bravo, Souliko.
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S
<br /> Merci, votre appréciation me touche beaucoup !<br /> <br /> <br />
O
Oui, ma petite phrase a bien déclenché une réaction en chaîne. Votre confession est émouvante. La France est peuplée d'exilés, la plupart fuyant des massacres. certains n'ont pas fui assez loin.<br /> Dr WO
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L
Emouvant.<br /> Mais n'y a-t-il pas un sentiment de perte irrmédiable quand on sait que le pays où ont poussé nos racines et qui vit dans notre souvenir, n'existe plus ou a tellement changé qu'il est étranger.<br /> Même quand ce pays est celui qu'on n'a jamais quitté. J'ai rencontré un des derniers paysans de Nanterre. Exilé dans son propre pays!
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S
<br /> Bien sûr, ce sentiment de perte et d'exil peut exister dans son propre pays. Mais n'est-il pas aussi la nostalgie d'un temps qui ne sera plus, de ceux qui ne sont plus là, d'une vie qui va trop<br /> vite ? Je crois que je comprends pourtant ce que tu veux dire.<br /> <br /> <br />